La supplique de la Croix.
A ma naissance, en 1926, je fus installée sur un terre-plein sableux face à la Méditerranée. Quelques années plus tard, je fus transférée à l’entrée du village à proximité du Pont du Mort. Là, entre mer et étang, au milieu des enganes je me sentais encore plus camarguaise. Les gardians qui conduisaient les taureaux pour la course aux saintes me saluaient à chacun de leur passage sur le pont du Mort. Près de l’étang des Launes, je coulais des jours tranquilles mais si le cadre était merveilleux, il y manquait un peu de vie. Aussi, quand en 1951, on vint construire, tout à côté de là, une authentique cabane de gardian, ce fut pour moi un grand bonheur. Enfin, je voyais vivre la Camargue.
Depuis soixante-dix ans nous composons, le Pont, la Cabane et moi, un même tableau, une même culture et une même mémoire.
L’écrin qui m’accueille depuis si longtemps et qui magnifie les symboles que je représente doit rester à l’image de la Camargue. Détruire mon amie la Cabane c’est comme découper une partie du tableau, effacer un coin de notre mémoire et profaner notre chère culture. Alors, aujourd’hui, je pose sur elle l’ombre de mon cœur dans l’espoir que ce symbole de la générosité saura parler au cœur des amoureux de la Camargue.
Messieurs les décideurs, si les symboles que je représente ont encore un sens pour vous, rangez vos tractopelles et votre béton et ne touchez pas à la Cabane du Camarguais.