Eugène Burnand est un peintre suisse né le 30 août 1850 à Moudon (Suisse) et mort le 4 février 1921 à Paris. D’un style réaliste, son œuvre picturale se compose notamment de scènes religieuses et de paysages de campagne.
Dans le dernier quart du XIXe siècle il a effectué plusieurs séjours en Camargue, notamment aux Saintes Maries de la Mer, où il a réalisé des études qui lui permirent de créer des tableaux ainsi que des gravures pour le journal « l’Illustration ». Pour ce faire, il a séjourné à Pin-Fourcat et au Mas du Sauvage sur la rive droite du Petit Rhône. Ses œuvres, qui représentent des taureaux, des chevaux et des paysages, ont souvent été réalisées près de la mer.
Eugène Burnand a bien connu Frédéric Mistral à la demande duquel il a réalisé les illustrations d’une édition de “Mireille” parue chez Hachette en 1884.
Dans une lettre qu’il lui a adressée, Frédéric Mistral lui écrit ceci : «Mon cher ami, […] j’aurai bien cependant un jour l’occasion de voir et d’admirer les tableaux dont vous me parlez. Je verrai toujours dans l’Illustration les inspirations que les Saintes-Maries vous donnèrent »
Si Eugène Burnand fut inspiré par les chevaux, les taureaux et les paysages des Saintes-Maries, on ne peut pas dire qu’il appréciait vraiment la vie locale qu’il trouvait particulièrement rude.
Contrairement à son contemporain Ivan Pranishnikoff qui vécut aux Saintes-Maries, Eugène Burnand n’y effectua que quelques courts séjours dont il retira une œuvre importante. Il faut dire qu’à la même époque, un autre immense artiste, Vincent Van Gogh, au cours d’un bref séjour d’une semaine aux Saintes-Maries réalisa 17 dessins, sept toiles et une aquarelle inspirés par ce lieu sublime.
Ainsi, en 1880, à l’occasion d’un séjour en Camargue, Eugène Burnand écrivait ceci :
« J’étais installé chez un gardien de chevaux au fin bout du delta, sans autre société que celle de mes hôtes assez taciturnes et de trois ouvriers de campagne. Heureusement j’avais un cheval et le travail. Ce que je me suis courbaturé, ce que j’ai broyé mes jointures et secoué mes intestins de sédentaire est impossible à décrire. Je suis brûlé comme un vieux culot de pipe, et avec cela tout picoté de moucherons. Mercredi j’allai au Saintes-Maries accompagner un petit troupeau de bœufs que l’on conduisait à une course populaire. Nous étions dix-sept cavaliers les relançant dans les marais pour leur faire traverser le Rhône à la nage. Je ne puis songer au moment où les bœufs effarés et pourchassés se jetaient à l’eau, sans une vraie émotion. ».
[…]« Nous nous arrêtons quelques instants chez César. C’est un grand Camarguais osseux, desséché par la fièvre, à l’œil dur, presque redoutable. Il est la terreur des braconniers après avoir été l’effroi du garde-chasse. Sa femme l’a quitté depuis peu, elle se mourait d’ennui et de mal ‘aria dans ces solitudes, la pauvre Arlésienne. L’habitation, perdue dans les sables, est un ancien poste de douaniers, se composant d’une série de petites pièces ouvrant sur la mer. Quelle vie que celle du malheureux solitaire qui n’a pour toute société que le bruit incessant des vagues, et qui ne voit des humains que la petite flamme intermittente du phare de l’Espiguette tout là-bas, du côté d’Aigues-mortes. ».
La photo ci-dessus représente le poste de douane abandonné des Quatre Maries sur la lisière de la pinède de “Bras-Invers” sur la rive droite du Petit Rhône. C’est là que vivait César “le grand camarguais osseux”.
Toutefois, ceci ne l’empêchait pas d’apprécier l’atmosphère magique de la Camargue quand il rentrait le soir à cheval après une rude journée de labeur :
« Le soleil descend déjà dans la brume du côté des Cévennes, qui prennent une teinte violette. Les étangs s’allument et renvoient sans la déformer l’image du globe enflammé qui grandit à mesure qu’il se rapproche de l’horizon. Les buissons de tamaris dessinent sur la ligne claire du couchant leurs silhouettes délices, et les salicornes rouges et jaunes s’emplissent d’ombre en se décolorant […] Voici la nuit déjà. C’est à peine si l’on distingue les canards sauvages qui passent en allongeant le cou. Le ciel s’emplit d’étoiles: les constellations viennent les unes après les autres prendre leur place accoutumée dans l’immense firmament. Tout est paix, silence et harmonie dans la Camargue solitaire, et de l’ensemble des choses inanimées s’exhale comme un cantique d’adoration ».
Bibliographie :
Eugène Burnand, Au pays de Mireille, par René Burnand, éditions SPES. Lausanne, année 1941
L’ILLUSTRATION (Bibliothèque Nationale de France)