Joseph d’Arbaud est né à Meyrargues le 6 octobre 1874. Son père, Philippe d’Arbaud, était lieutenant de gendarmerie et sa mère, Marie Louise Martin, fut la première poétesse du Félibrige en publiant un premier recueil de poèmes en 1863. Autant dire que le petit Joseph baigna très tôt dans la culture provençale.
De 1884 à 1892 il étudie chez les Jésuites au collège Saint Joseph d’Avignon où il accomplit un parcours scolaire très brillant jusqu’au baccalauréat. Ensuite il intègre l’Université d’Aix en Provence où il étudie le droit de 1896 à 1898.
En 1898 il quitte Aix en Provence pour rejoindre son cousin éloigné Folco de Baroncelli aux Sainte Maries de la Mer. Après avoir appris le métier sous la direction de Baroncelli, il achète une manade de taureaux croisés au Clos du Radeau, au nord de Port-Saint-Louis-du-Rhône, sur la rive gauche du Rhône. Il est manadier de 1898 à 1906. C’est de cette époque que datent les poèmes des « Cant Palustre » et « Nouvé Gardian », inspirés par la Camargue.
En 1906, il tombe gravement malade et doit aller en Suisse pour soigner une tuberculose. Bien qu’ayant recouvré la santé, il ne pourra malheureusement plus exercer le rude métier de manadier. La même année il publie un premier recueil de poèmes « Le Laurier d’Arles (Lou Lausié d’Arle)» préfacé par Mistral qui louait ses dons poétiques. En 1911 il revient vivre auprès de sa mère à Meyrargues et à Aix.
En 1918, il est élu Majoral du Félibrige. Il contribue avec ferveur l’élaboration de la revue régionaliste « Le Feu » dont il est rédacteur en chef de 1917 à 1921. Il attire alors de nombreux félibres avant d’en devenir le directeur, à la mort de son fondateur Émile Sicard, de 1921 à 1938.
C’est la période la plus féconde de sa vie. Dans la revue « Le Feu », il publie des chroniques enflammées où il défend la cause du Félibrige et une certaine idée du régionalisme provençal. Le sous-titre de cette revue engagée a varié dans le temps ; 1917-1937 : « organe du régionalisme méditerranéen », 1938 : « organe régionaliste de culture et action méditerranéenne », 1939 : « revue occitane de l’humanisme méditerranéen ».
En 1923, il fonde le « Comité de Revendications Méridionales », pour s’opposer fermement à une campagne « parisienne » contre les manifestations taurines. Il prend la tête de la Confrérie des Gardians qui existe depuis le XVIème siècle. Il fut aussi un animateur de la Nacioun Gardiano avec laquelle il participa à de nombreuses manifestations en compagnie du Marquis de Baroncelli.
En 1926 il publie « La Bèstio dou Vacarès », un roman fantastique écrit en prose provençale qui devient rapidement une œuvre régionale importante avec une préface fort élogieuse de Charles Maurras.
En 1946, il épouse Yvonne Recours, de Barjols, et vit paisiblement à Aix dans son appartement du 26 cours Mirabeau, jusqu’au 2 mars 1950 où il meurt entouré de l’amitié fidèle de beaucoup de jeunes poètes qui l’ont considéré comme leur maître. Il sera inhumé à Barjols dans le Var, sous le triple signe de la Croix du Languedoc, du trident de Camargue et du laurier d’Arles.
Le 19 décembre 1974 André Chamson prononça, au cours d’une séance publique de l’Académie Française, un discours de « réception imaginaire de Joseph d’Arbaud ». Nous citerons ici deux courts passages qui décrivent parfaitement le personnage que fut Joseph d’Arbaud et la trace poétique qu’il laissera dans cette merveilleuse Camargue si fragile et si menacée. À bien des égards, ce discours d’André Chamson reste d’une redoutable actualité qu’il conviendrait sans doute de méditer.
ACADÉMIE FRANÇAISE, SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE tenue le jeudi 19 décembre 1974
DISCOURS DE M. André CHAMSON
Réception imaginaire de Joseph d’Arbaud Poète et Gentilhomme de Camargue.
Extraits :
« Quand on traverse des temps comme ceux que nous vivons, c’est dans la poésie que l’on peut trouver la consolation et le refuge. Je dirai même que parler de la poésie, c’est encore faire l’éloge de la vertu. Laissez-moi donc vous raconter la vie d’un poète dont une partie de la France — mais une partie seulement, — a célébré, cet été, les cent ans de présence au monde. Ce poète, bien peu d’entre vous le connaissent. Il s’appelle Joseph d’Arbaud, et s’il fut un écrivain français du premier rang, il a fait son œuvre en provençal, c’est-à-dire dans un de ces parlers maternels qui ont ajouté à la gloire de notre littérature, tout en donnant naissance, à côté d’elle, à d’autres littératures nationales ».
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« Par votre œuvre et par votre vie, vous aviez donné ce que nous appelons, dans l’infirmité de notre langage, une âme à la Camargue. Mais, près d’un quart de siècle après votre mort, je crains que cette âme ne soit menacée à son tour ! Regardez, des Champs-Elysées ou de l’Olympe où vous devez être, ce qui se passe entre le Grau-du-Roi et le golfe de Fos ! Regardez, sur la plage des Saintes-Maries, le pullulement estival de l’espèce humaine. Combien de ces visiteurs savent-ils vraiment ce que ces lieux veulent dire ? Combien ont-ils entrevu la Bête du Vaccarès ou distingué seulement l’empreinte de ses pieds fourchus sur le sable humide ? Ces foules se rassemblent sur la terre des mirages sans savoir ce que sont les vertus de la solitude, ni les pouvoirs de la fraternité. Il n’est pourtant pas question de le leur reprocher. Elles sont ce que le monde d’aujourd’hui est capable de faire avec les masses humaines. Plaignons ces hôtes de ne pas avoir découvert cette terre à travers votre œuvre et dans l’esprit de votre œuvre, et que la bienvenue de notre cœur les y accueille »
On peut lire la totalité du discours d’André Chamson en suivant le lien ci-dessous :
Son œuvre :
– Lou Lausié d’Arle (« Le laurier d’Arles »), poèmes, 1906 (grand prix des Jeux Floraux septénaires du Félibrige).
– La Vesioun de l’Uba (« La Vision du Nord »), poème.
– Li Rampau d’Aram (« Les Rameaux d’airain »), poèmes.
– Jousè d’Arbaud ” Nouvè Gardian ” (« Le Noël du Garde-Bêtes »), Image de Léo Lelée, Soucieta d’Edicioun ” Le Feu “, Ais, de Prouvènço, 1923
– La Caraco (« La Caraque »), nouvelles, Le Feu, 1926.
– La Bèstio dóu Vacarés (« La Bête du Vaccarès »), nouvelle inspirée de la légende de la bête du Vaccarès, Grasset & Fasquelle, 1926, 2007. (ISBN 978-2-246-17684-8).
– La Sóuvagino (« La Sauvagine »), contes, 1929.
– La Coumbo (« La Combe »), poème.
Œuvre publiée à titre posthume :
– Li Cant palustre (« Les Chants palustres »), poèmes, écrits en 1901, 1re éd. Horizons De France, 1951.
– Espelisoun de l’Autounado (« Éclosion de l’Automne »), poème, Ed. du Baile-Verd (Max-Philippe Delavouët), 1950.
– L’Antifo (« L’Antifo »), conte, Imp. Mistral, Cavaillon, 1967.
– Obro Pouëtico (« Œuvres poétiques »), poème, Imp. Mistral, 1974.
– Jaquet lou Gaiard (« Jacquet le Robuste »), contes inédits publiés par Pierre Fabre, Maintenance de Provence du Félibrige, 2000.