Une maison modeste dans un pays sans pierre
« Ces petites cabanes sont construites d’une façon fort ingénieuse. C’est déjà de l’architecture. Par son plan, très bon, bien que simple, et peut-être justement pour cela, avec son abside tournant le dos au mistral. Par son volume tout fait de géométrie simple (parallélépipède, cylindre, cône, prisme se juxtaposant parfaitement). Par les proportions heureuses de ce volume pris entre une toiture très haute et un mur très bas. Par l’unité dans la construction presque toute végétale.
Par son caractère fortement marqué s’adaptant très adroitement au climat et au sol. C’est un des plus beaux exemples d’architecture puisque la cabane tire son art de la fonction pure, liée à une économie serrée ». (2)
Dans la Camargue traditionnelle, jusqu’au début de notre siècle, deux types d’habitat coexistent : le mas, construit à grands frais en pierres parfois prélevées dans des ruines galloromaines ou médiévales, venues le plus souvent des carrières de Fontvieille ou de Beaucaire, et la cabane, demeure des Camarguais de condition modeste (pêcheurs, bergers, vanniers, gardians, ouvriers des salins et de l’agriculture), forcés, dans un pays sans pierre, d’utiliser les matériaux essentiellement végétaux trouvés sur place.
Les remises, les écuries et, à partir du XVIIe siècle, les bergeries sont élevées selon les mêmes principes généraux que les cabanes. Les matériaux employés dans la construction de la chaumière camarguaise sont surtout l’orme, le saule et le roseau. L’orme sert à la fabrication des poutres et des chevrons ; le saule, souple et résistant, à celle des coundorso, fines tiges sur lesquelles le roseau est cousu.
Dans la Camargue préindustrielle le roseau des marais est utilisé pour la réalisation des murs et de la toiture des cabanes et des bergeries, pour celle de petites digues, d’auvents et de pare-vent, ainsi que pour la litière et la nourriture des animaux. Correctement posé, il est un très bon isolant.
Parfaitement adaptée à la nature limoneuse du sol camarguais, la cabane l’est aussi aux conditions climatiques que propose le delta : pluies rares mais violentes, fort ensoleillement et grands vents. Son abside arrondie tournée au Nord/Nord-Ouest offre une résistance minimum au vent dominant, le mistral dont la vitesse peut dépasser 100 km/h. La forte pente (environ 45°) de la toiture à deux versants permet, outre une bonne stabilité du roseau, l’écoulement correct des eaux de pluie. Le petit nombre et l’étroitesse de ses ouvertures, qui parfois se limitent à une porte, l’enduit blanchi qui recouvre ses murs et une partie de sa toiture la protègent du soleil.
Ailleurs et autrefois
La cabane de Camargue n’est pas un type architectural isolé. Le plan en fer à cheval se rencontre dès l’époque néolithique. D’autre part sur tous les continents et en France, de nombreuses régions connaissent ou ont connu la chaumière, maison couverte de genet, de paille de seigle ou de blé, ou de roseau.
Depuis que des hommes vivent en Camargue, ils utilisent probablement le bois et le roseau pour construire leurs abris. Nous savons qu’au Moyen Age la plupart des maisons des Saintes-Maries-de-la-Mer étaient en roseau. Mais aucun vestige, aucun témoignage ne nous disent précisément ce qu’était la cabane avant le XVIe siècle.
Depuis, même si les murs en pisé (terre battue) courants aux XVIe et XVIIe siècles se raréfient par la suite et si les murs de pierres paraissent caractériser des périodes plus récentes, les techniques de construction de la cabane se sont perpétués sans grand changement. Toutefois, les seules constantes de cette architecture sont le matériau utilisé pour sa couverture et la forme de la toiture à deux versants terminée au Nord par une abside. Au XIXe et au début du XXe siècle on construit aussi bien des murs en pierres, en roseaux nus ou en roseaux enduits, des toits protégés ou non par une croix, des murs avec ou sans fenêtre, des plans à une ou deux pièces.
Techniques de construction
La cabane, qui ne comporte aucune fondation, est construite sur un sol de terre battue ou de bétun (sorte de béton fait avec un mortier de chaux mêlé à des agrégats roulés et damés). Les murs latéraux sont constitués par des piquets verticaux auxquels sont clouées horizontalement des coundorso, tiges souples de saule permettant d’épouser la forme arrondie de l’arrière de la cabane. Sur cette armature, les roseaux sont cousus par petites gerbes de 10 cm de diamètre environ (les manons) à l’aide d’un fil végétal ou métallique. Les murs sont souvent recouverts d’un enduit de mortier à la chaux, le cacho-faio. Le mur pignon et, vers l’arrière, un poteau, supportent l’arenié-mestre, ou poutre faîtière.
La charpente est clouée. Des travettes (traveto) s’appuient sur l’arenié clouée au sommet des pieux muraux et sur l’arenié-mestre. La travette située au fond et dans l’axe de l’abside traverse la couverture. Son extrémité est laissée telle quelle, recouverte d’une corne de taureau ou barrée transversalement d’une pièce de bois pour former une croix. Cet appendice sert à éloigner la foudre et à amarrer la cabane : en cas de grand vent on y noue une corde que l’on attache d’autre part à une pierre fichée dans le sol. Lorsqu’il est croisé d’une barre pour former une croix, il joue en outre un rôle symbolique de protection. Des coundorso espacées de 40 cm environ supportent le roseau de la toiture. Les manons sont cousus en se recouvrant aux 2/3 d’une rangée à l’autre. L’extrémité des roseaux est dirigée vers le faîte, exceptée la dernière rangée, la chemise, placée en sens inverse. Un rang de tuiles rondes et une couche d’enduit protégent souvent le faîte.
La cabane de gardian
Le roseau est fragile et très inflammable. A partir du début du XXe siècle, en raison de l’industrialisation et du développement des moyens de communication, les Camarguais peuvent se procurer à meilleur compte qu’auparavant des matériaux plus résistants. Peu à peu la tuile mécanique pour la toiture, les briques ou le ciment pour les murs remplacent le roseau. La tuile ne permettant pas de couvrir des formes arrondies, l’abside disparaît. Le poids de la tuile donne en revanche la possibilité de se libérer des contraintes climatiques : la pente du toit s’adoucit, les murs s’élèvent et se percent plus largement d’ouvertures. L’orientation n’est plus aussi strictement déterminée par la direction du mistral. La cabane alors paraît condamnée.
Cependant, au début des années 1930, le Marquis de Baroncelli dessine l’image mythifiée d’une Camargue sauvage et pittoresque. La cabane y trouve sa place aux côtés des paysages vierges, des flamants roses, des taureaux, des chevaux et de leur complément le gardian. Ce phénomène qui remet à l’honneur la cabane laisse dans l’ombre les saliniers, les pêcheurs, les bergers, autres habitants traditionnels de la cabane camarguaise pourtant toujours vivants. La cabane devient la cabane “de gardian”.
(1) : Texte d’Evelyne Duret publié par à l’occasion de l’exposition «Cabanes de Camargue» réalisée par le Musée de la Camargue et le Parc Naturel Régional de Camargue en 1983. (www.patrimoine.ville-arles.fr)
(2) : (extrait de R.PEPIOT, cabanes de Camargue, rapport dactylographié, Musée national des arts et traditions populaires, 1943).
Les cabanes saintines ont inspiré Van Gogh
En juin 1888, Vincent Van Gogh est venu passer une semaine aux Saintes Maries de la Mer au cours de laquelle il réalisa onze dessins, sept huiles et une aquarelle. Parmi ses sources d’inspiration, on trouve 2 toiles et plusieurs dessins qui représentent des chaumières et des cabanes dans lesquelles vivaient une bonne partie des quelque 800 habitants que comptait le village à cette époque.
Cabanes blanches aux Saintes-Maries ce tableau est évoqué par Van Gogh dans une lettre envoyée à sa sœur, Wilhelmina Van Gogh, en septembre 1888 : « les cabanes blanches sous le ciel bleu dans de la verdure que j’ai faites à Saintes-Maries au bord de la Méditerranée ».
Rue aux Saintes-Maries cette peinture à l’huile est l’un des deux tableaux sur lequel Van Gogh peignit des maisonnettes au toit de chaume. A gauche au premier plan, on aperçoit une maisonnette dont la toiture arrondie évoque une croupe de sagne. La rue où elles se trouvaient est l’actuelle rue Frédéric Mistral.
Vue des Saintes-Maries et du cimetière Ce dessin à la plume représente un alignement de maisonnettes ou de cabanes situées rue Frédéric Mistral. Au fond, on aperçoit le cimetière qui, à l’époque, se trouvait en bord de mer (à proximité de l’emplacement actuel des arènes).
2 commentaires
bonjour
Je ne sais pas site site existe toujours mais je vous ai trouve car j ai craqué sue cette cabane il y a trois jours et j ai relevé le numéro et grâce a maps j ai retrouvé votre assos maintenant j aimerais savoir ce qu’ il va advenir de cette petite maisonnette en plus si elle est détruite ils vont également détruire les autres doucement mais surement ce qui serait dommage car l endroit est magnifique en attendant une reponse cordialement laurence
Bonsoir,
Le site existe toujours. En principe la cabane n’est plus vouée à la démolition. Malheureusement, les travaux de restauration tardent à démarrer et la cabane se délabre. Voici le lien sur une vidéo publiée sur ma page FB qui déplore cette situation. Vous pourrez trouver d’autres publications sur cette même page qui traitent du sujet de cette cabane.
Bien cordialement, Gilbert Roussel.
https://www.facebook.com/lessaintesnotrevillage/videos/2841025869452381/
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